Éditeurs de source et traduction littéraire

Un historique de toutes nos réunions

Table des matières

mercredi 11 mars 2015

La voix du secrétaire (Jean)

Présents à la réunion, en fonction de l'ordre d'arrivée :

moi,
Richard,
Sébastien,
Laurent (B),
et Stéphane peu de temps avant mon départ.

Nous avons mangé des salades au poulet et au curry, de l'andouillette au canard (pas « andouillette de canard », puisqu'il y a d'autres ingrédients), des magrets de canard, de la purée au Comté et du gratin dauphinois. Nous avons bu de la bière Kilkenny, de la vodka et de la limonade.

Nous avons parlé de Perl, informatique et points divers, dont une bonne partie sur les traductions.

Perl

Nous avons très peu parlé de Perl. Je me souviens juste de Stéphane, au moment où j'allais quitter le Maldoror, qui regrettait que les vidéos du FOSDEM n'étaient pas disponibles et qui demandait à Sébastien ce qui s'était passé là-bas.
Plus tôt dans la soirée, au milieu d'une discussion sur les éditeurs de texte, nous avons évoqué l'installation de Padre. J'ai essayé sur ma machine personnelle sous Linux et l'installation a échoué, car l'interpréteur perl du système était mono-thread. Laurent a essayé sous Windows. Là, il faut faire attention dans quel ordre vous installez les différents éléments de Perl. Si vous installez d'abord Strawberry Perl puis Padre, l'installation de Padre bousillera les paramètres de proxy et de miroirs du client CPAN de Strawberry Perl. Il faut donc installer Padre en premier et Strawberry Perl ensuite.
Toujours à propos des éditeurs, nous avons parlé d'Eclipse et du plug-in EPIC qui permet de faire du Perl. Alors qu'Eclipse évolue régulièrement, cela fait dix ans qu'EPIC n'a pas été mis à jour.

Informatique

Richard est sur le point de commencer un projet big data. Laurent et Sébastien lui donnent des indications sur ce sujet. Il y a une technique essentielle à connaître, c'est le map-reduce. Et un framework, Hadoop. Sinon, il peut contacter David M, qui a fait un exposé sur le sujet aux Journées Perl 2012.
La définition du big data qu'a donnée Laurent est : « C'est du big data quand les données ne tiennent pas sur une seule machine. » J'en déduis que si l'on veut faire du big data à la maison, le plus simple est de créer plusieurs instances de machines virtuelles avec VMware ou VirtualBox.
En fait, le big data fait partie de ces concepts anciens remis au goût du jour en tant que buzzword. L'exemple le plus flagrant est le « claoud » (ou cloud si vous préférez). C'est ni plus ni moins qu'Internet. Il y a quelques décennies, lorsque l'on voulait faire un schéma représentant des machines communiquant entre elles, on dessinait parfois un nuage censé représenter Internet, par lequel transitait les liaisons entre certaines machines. Un jour, en parlant d'Internet, Tim O'Reilly a utilisé le terme métaphorique cloud. Le terme a pris et maintenant, tous les décideurs pressés, tous les costards-cravates et tous les PHB ne parlent plus que de cela. Mais le concept n'a rien de novateur. Laurent fait remarquer que c'était l'une des observations mentionnées dans la dernière page de xkcd : « Si les geeks pensent que la nouvelle technique n'est pas si nouvelle que cela et qu'elle n'apporte rien, alors cela sera un succès retentissant auprès des utilisateurs lambda ».
Nous avons également parlé en long, en large et en travers des éditeurs de texte, en particulier de vi. J'explique que j'ai utilisé vi sur un projet sous Unix en 1992-1993 et qu'à cette occasion, j'ai fait l'effort (comme peu de mes collègues) de lire la manpage de vi et celle de la version ligne par ligne, ex, soit si je me souviens bien, deux fois 37 pages de listing. J'en avais retenu environ 10 % et j'en avais conclu que j'étais un expert de vi (par rapport aux 30--40 personnes de l'équipe). Sébastien a tenté de nous montrer une courbe de l'expertise pour appuyer mes dires, mais il ne l'a pas retrouvée. Je tiens à préciser que je n'ai pas du tout la prétention de connaître 10% de vim seulement de vi.
Ultérieurement, lorsque je me suis mis à vim, j'ai appris à faire du multi-fenêtre (au sens console, ou screen ou curses, pas au sens Windows ou X11), mais je l'ai oublié dès que j'ai adopté Emacs puis Emacs+Viper. C'est donc de vieux souvenirs que m'a remis en mémoire la discussion entre Laurent, Sébastien et Richard, qui ont rappelé les principales commandes :
- :split pour découper votre écran en deux fenêtres l'une au-dessus de l'autre
- :vsplit pour découper votre écran en deux fenêtres l'une à côté de l'autre
- :close pour fermer la fenêtre courante
- CTRL-W W pour passer d'une fenêtre à la suivante
- CTRL-W + pour augmenter la hauteur de la fenêtre courante
- CTRL-W - pour diminuer la hauteur de la fenêtre courante
Sébastien nous indique qu'il a souvent 6 fenêtres ouvertes dans vim.
Ils ont également parlé de problèmes de couleurs, car vim adopte deux thèmes de couleurs différents selon que le fond de la fenêtre est noir ou blanc. Le problème se produit lorsque vim est lancé avec un fond noir en croyant que le fond est blanc, ou inversement. Dans un cas comme dans l'autre, la lecture des fichiers est très difficile.
Il arrive à tout le monde de faire un blocage sur quelque chose de simple. Pour Sébastien, c'est sur les commandes de substitution sous vi et vim. Par exemple, pour une substitution sur la totalité du fichier, il a du mal à se souvenir de :
```
:%s/avant/apres/
```
ou de :
```
:1,$s/avant/apres/
```
Je précise que j'utilise une autre variante, pour réduire l'espace de substitution à l'intervalle entre deux lignes. Je marque la première par mq et la dernière par ms puis je tape :
```
:'q,'ss/avant/apres/
```
Je n'ai pas donné les autres variantes, comme celle qui consiste à effectuer la substitution sur les 5 lignes (par exemple) à partir de la ligne courante :
```
:.,+4s/avant/apres/
```
En revanche, Sébastien a donné une variante que je n'utilise quasiment jamais. Pour effectuer la substitution sur toutes les lignes contenant une chaîne donnée, il fait :
```
:/chaine/s/avant/apres/
```
En fait, généralement, la chaîne de recherche est aussi la chaîne à substituer, ce qui donne :
```
:/avant/s/avant/apres/
```
Un point que nous trouvons bien commode avec vi, c'est la répétition d'une commande par un préfixe numérique. J'ai dit que je ne savais pas que l'on pouvait utiliser un préfixe à plusieurs chiffres, par exemple pour détruire 23 lignes avec 23dd. En fait, c'est une confusion de ma part. Je sais que les préfixes à plusieurs chiffres sont possibles, mais je ne les utilise pas parce qu'ils sont incompatibles avec l'utilisation du pavé numérique et que, quand il y a trop de lignes, je préfère le plus souvent poser une marque avec mq déplacer le curseur à l'autre extrémité du bloc et le détruire par d'q.
Une autre fonctionnalité appréciable, c'est le folding (ou « repliage ») du texte source. Cette fonctionnalité, qui n'a pas l'air d'enthousiasmer Sébastien, permet de masquer certaines portions inintéressantes du source du programme pour ne conserver que la substantifique moëlle. Cela existe sous vim, mais pour Emacs, c'est une autre paire de manches. Cela existe pour les fichiers en mode outline mais pour les fichiers shell, HTML, Perl, L^AT_EX ou autres il existe tout au plus une fonctionnalité de narrowing, qui fait un peu la même chose, mais de façon très rudimentaire, c'est nettement moins puissant que le folding dans vim. [ Au hasard de mes recherches pour ce compte-rendu, je suis tombé sur le mode hide show qui m'a l'air prometteur. Au moins pour les fichiers Perl. Pour HTML et L^AT_EX, cela a l'air plus problématique. ]
Pour la recherche de chaîne dans plusieurs fichiers, nous avons temporairement mis de côté les éditeurs de texte pour évoquer les utilitaires en ligne de commande. Ainsi, Sébastien nous vante ack. Selon ses termes,
ack est à grep ce que Perl est à awk.
L'un des avantages de ack, c'est qu'il ignore les fichiers qui figurent dans tout répertoire de développement mais qui ne contiennent pas de code : fichiers *.o et a.out et répertoires .git et .svn par exemple.
Et pour revenir aux éditeurs de source, il existe un mécanisme appelé ctags, qui fouille tout un répertoire de code source avec ses sous-répertoires, relève les endroits intéressants et compile tout cela dans un fichier tags. Ensuite, votre éditeur préféré (Emacs, vi ou autre) peut mettre à profit ce fichier pour l'opération suivante : vous pointez le curseur sur un appel de fonction, vous tapez la séquence de caractères et touches fonctions appropriée et alors, votre éditeur se positionne sur la définition de cette fonction, en ouvrant le fichier source si nécessaire. À vrai dire, je sais que cela existe mais je ne l'ai jamais utilisé.
En général, lorsque le pointeur de la souris se trouve sur une zone occupée par du texte, il perd sa forme habituelle de flèche pour devenir un trait vertical, pour faire comprendre que si l'on clique à cet endroit, le curseur sera instantanément déplacé en ce point. Dans certains cas, lorsque le pointeur de la souris se trouve sur du texte à proximité du curseur, il gêne la lecture. Pour cela, il existe dans Emacs le mouse-avoidance-mode qui fait que lorsque le curseur s'approche du pointeur de la souris, ce pointeur se déplace à un autre endroit de l'écran sans que vous ayez besoin de toucher à votre souris.
Laurent évoque Eclipse, qui est plus un IDE qu'un éditeur de source. Il nous raconte qu'il a mis longtemps à comprendre comment éditer un fichier .BAT dans Eclipse sous Windows. Il est impossible d'utiliser la fonction « ouvrir », car pour les fichiers exécutables Eclipse interprête cette demande d'ouverture comme une demande de lancement. Donc, pour ouvrir et éditer un fichier .BAT, si j'ai bien compris, il faut créer un nouveau projet, insérer le fichier dans ce projet et l'éditer en tant que fichier source appartenant au projet.
Sébastien a parlé de la configuration de CUPS sous Linux. Cela ne fonctionne pas pour les imprimantes à jet d'encre. Pour les imprimantes laser, il reste de l'espoir, mais il ne faut pas y compter avec les imprimantes à jet d'encre.
Pour les fichiers de configuration en général, je mentionne le fait que le rapport entre le nombre de lignes de commentaires et le nombre de lignes de données de configuration est très élevé. Sébastien confirme en donnant l'exemple de la configuration par défaut de Netatalk ou de Apple Share. Dans ce fichier, il y avait une seule ligne de données pour la configuration par défaut. Tout le reste était des commentaires reprenant la documentation ou des exemples, inhibés par une marque de commentaire. De plus, l'unique ligne de réelle configuration contenait en tout et pour tout un slash.
En discutant d'un jeu vidéo qui venait de sortir, Sébastien a montré les statistiques des joueurs sur Steam pour la précédente version de ce jeu vidéo. Le joueur le plus assidu avait plus de 500 heures sur ce jeu, tandis que son successeur en avait moins de 100. D'autre part, Sébastien nous raconte que certains joueurs participent à une compétition consistant à jouer et gagner une partie de tel ou tel jeu le plus rapidement possible. Cela nécessite dans un premier temps de résoudre le scénario du jeu pour déterminer quel enchaînement d'actions permet d'arriver à la fin de la partie et dans un deuxième temps de jouer cet enchaînement d'actions le plus rapidement possible. Mais comme le jeu possède des éléments aléatoires, il faut faire plusieurs essais pour tomber sur un cas de figure où ces éléments aléatoires ne provoquent aucun retard pour le personnage du joueur.

Divers

Lorsque Joël a servi une Kilkenny à Laurent, Sébastien a fait remarquer que le gag à répétition de South Park
They killed Kenny!
vient justement du nom de cette bière. Précisons que ce gag à répétition était systématique lors des premières saisons, mais qu'il revenait moins souvent lors des suivantes.
Sébastien a fait découvrir à des collègues deux films de Sidney Lumet : Le Crime de l'Orient Express et Douze Hommes en colère. Cela me rappelle que xkcd a diffusé une page appelée timelines, qui présentait les rencontres entre divers personnages pour :
- Jurassic Park,
- Le Seigneur des Anneaux,
- La Guerre des Étoiles (épisodes 4, 5 et 6),
- Primer
- et Douze Hommes en Colère
Alors que le schéma de Primer est un fouillis inextricable, celui de Douze Hommes en Colère est constitué de douze lignes parallèles. En fait, le film se passe dans deux endroits. La salle de délibération d'un tribunal pour la quasi-totalité du film et les toilettes pour une courte séquence.
La veille de la réunion, j'ai revu Z de Costa-Gavras. Ce film datant de 1968, c'était curieux de voir des acteurs connus tels que Jean-Louis Trintignant, Jacques Perrin et Bernard Fresson encore jeunes et fringants. Et Yves Montand encore vivant, comme nous le rappelle Joël.
Concernant les films de cinéma, Sébastien a abordé la question de la bande-son, avec la musique intra-diégétique ou extra-diégétique. Une musique est intra-diégétique si elle a pour origine un élément du fil narratif du film ou de son décor. Elle est extra-diégétique si elle n'a aucun rapport direct avec les événements filmés. Au début, avec le cinéma muet, la bande-son était nécessairement extra-diégétique, puisque c'était un pianiste au pied de l'écran qui jouait ou improvisait la musique du film. Certes, cette musique appuyait la narration, puisqu'elle mettait en valeur l'atmosphère de la scène (suspense, mélo, gag, etc), mais c'était quand même une musique extra-diégétique. Puis quand le cinéma est devenu parlant, la bande-son est devenue exclusivement intra-diégétique. Puis la musique extra-diégétique est réapparue quelques années plus tard. Et cela n'étonne plus personne d'entendre du Strauss (Johann ou Richard ?) dans le vide inter-planétaire. Je note que dans les années 1950, alors que la musique extra-diégétique était parfaitement acceptée par les spectateurs, Alfred Hitchcock a tourné le film Fenêtre sur cour dans lequel la bande-son est entièrement intra-diégétique. Certains cinéastes jouent sur l'opposition intra-diégétique / extra-diégétique. Sébastien mentionne par exemple le premier film de la série Die Hard. Une séquence montre le chauffeur d'une voiture introduire une cassette de rap dans le lecteur de cassette de la voiture. D'où une musique intra-diégétique. La séquence suivante montre l'extérieur de la voiture, mais sans discontinuité de la bande-son qui devient alors extra-diégétique. Un autre exemple me revient en mémoire, Pour quelques dollars de plus. L'un des personnage a une boîte à musique qu'il actionne à divers moments du film. Et la musique d'Ennio Morricone se développe à partir de la musiquette de la boîte.
Sébastien a vu la version de démonstration d'un jeu [ d'après TV Tropes cela pourrait être Metal Gear Solid 4 ] dans lequel la bande-son reprend la chanson Here's to You composée par Ennio Morricone et interprétée par Joan Baez dans un film sur Sacco et Vanzetti. Cette musique n'a pas été prise au hasard. En effet, si j'ai bien retenu les explications de Sébastien, l'évocation de Sacco et Vanzetti permet de mettre le joueur sur la voie pour qu'il trouve par association d'idées un élément du scénario du jeu.
Nous avons parlé de code de la route et notamment d'un cycliste qui s'est fait verbaliser parce qu'il avait roulé sur le trottoir sur les quelques mètres qui séparaient la chaussée de la porte d'entrée de son immeuble. Et j'ai rappelé une anecdote dont j'ai déjà parlé, une Anglaise qui avait été retenue plusieurs heures en prison pour terrorisme, pour le simple fait qu'elle marchait sur une piste cyclable.
Nous avons évoqué le Passe-muraille de Marcel Aymé. Laurent explique que cette nouvelle montre les dangers de l'aspirine. [ En réalité, ce n'est pas l'aspirine en tant que telle qui est dangereuse. Le problème vient d'une confusion entre un cachet d'aspirine et un comprimé de pirette tétravalente. ] Cette faculté curieuse a été reprise dans Les Chèvres du Pentagone, notamment dans la toute dernière scène du film. Il y a également un autre méthode pour jouer le passe-muraille, celle que James Bond pratique dans l'hôtel en construction dans Casino Royale [ ...et que de nombreux personnages de dessin animé de Tex Avery pratiquent également. ] Voir cet extrait à 4 mn 20 s.
Sébastien reprend un thème qu'il a abordé dans une précédente réunion mais dont je n'ai pas encore rendu compte : la représentation des SMS ou des textes sur ordinateur dans les films. Habituellement, la caméra se place derrière le personnage qui tape à l'écran ou sur son téléphone et filme par-dessus son épaule l'écran ou le téléphone, montrant le contenu du texte. La série House of Cards adopte une nouvelle façon de présenter cela, beaucoup plus élégante. On filme le personnage de face, sans distinguer l'écran ou le téléphone. Et le texte s'affiche à l'image en surimpression à côté du personage. Depuis, cette bonne idée a été reprise dans certaines autres séries.
Toujours à propos des séries américaines, Sébastien en est venu à évoquer X-Files et Millenium. Ces séries avaient plusieurs scénaristes différents, reconnaissables à leur style. Par exemple, dans X-Files, certains scénaristes écrivaient des scénarios basés sur des phénomènes paranormaux, tandis que d'autres s'appuyaient sur le fil conducteur d'une vaste conspiration. Hélas, ce sont ces derniers scénaristes qui ont été repris pour Millenium. Pour Sébastien comme pour la majeure partie de l'auditoire de ces deux séries, la théorie du complot donnait des épisodes décevants, beaucoup moins intéressants que ceux basés sur les phénomènes paranormaux. Du coup, Millenium a été annulé avant d'atteindre l'an 2000, qui était pourtant la justification du titre.
Passant au cinéma et aux films à venir, nous évoquons Birdman. C'est l'histoire d'un acteur sur le déclin, après avoir longtemps joué le rôle d'un super-héros. Cela ressemble beaucoup à la biographie dans la vraie vie de Michael Keaton, l'acteur principal du film.
Un autre film à venir, c'est Chappie. Mais le rôle titre du film ne sera pas accompagné de son acolyte Chapo. Je m'étonne que Sébastien, qui n'est pas vraiment de la même génération que moi, connaisse cet ancien dessin animé. Mais j'oublie qu'il y a des rediffusions à la télévision.
Richard nous raconte que mentionner la paëlla à une personne espagnole, c'est du sexisme ! En fait, il voulait plutôt dire « des préjugés sur les archétypes liés à la nationalité et à la culture ». Hélas, je ne trouve pas comment exprimer ce concept avec un mot unique.

Traduction

Sébastien a participé à la traduction d'un jeu vidéo, Wolf. Il nous fait part de quelques problèmes de traduction qu'il a eus. Il y a eu la traduction de « jock » [ « mec » ? ]. Je vois bien le concept, mais de là à le traduire précisément en français... Et il y a une phrase du genre,
It was devastated, courtesy of Wolf.
Cette phrase a provoqué un désaccord entre Sébastien et les autres membres de l'équipe de traduction. Ceux-ci voulaient traduire
C'était devasté, avec l'aimable autorisation de Wolf.
alors que Sébastien voulait traduire d'une autre façon, qui se rapproche de
C'était dévasté, à cause de Wolf.
Pour en revenir aux séries américaines, Laurent nous enjoint de ne jamais regarder The Big-Bang Theory en version traduite. Il faut absolument conserver la VO, avec les sous-titres si vous voulez, mais pas la VF !
Pour s'aider lors des traductions, nous avons bien entendu le web à notre disposition. Mais il ne faut pas faire une confiance aveugle à Google Translate [ Je considère que ce service est là pour donner un aperçu, une idée générale, d'un texte écrit dans une langue que vous ne connaissez pas. Ce n'est pas un service de traduction littéraire. ] Il vaut mieux aller du côté des sites comme granddictionnaire.com ou lexilogos.com. Le premier est le thésaurus de toutes les traductions effectuées par le gouvernement provincial du Québec, tandis que le second est un portail qui permet d'accéder à différents dictionnaires.
Pour la traduction, il est important de tenir compte du contexte de la phrase. Voici un exemple que nous n'avons pas évoqué en réunion, il s'agit de traduire la phrase Secure this building. Le fait de savoir que cet ordre est donné par un militaire américain à un autre militaire américain ne vous donnera pas assez de contexte pour vous permettre de traduire convenablement cette phrase. En effet, voici, traduit par mes soins, un petit texte qui circulait au Pentagone en 1993 et qui a été repris dans War Slang (*)
Si vous dites Secure this building à une personne de l'US Navy, il éteindra toutes les lumières et fermera toutes les portes à clé. Si vous donnez cet ordre à quelqu'un de l'US Army, il déploiera du fil de fer barbelé et postera des sentinelles tout autour du bâtiment pour empêcher quiconque d'entrer sans autorisation. Si vous donnez cet ordre à un officier ou un sous-officier de l'US Marine Corps, il prendra le bâtiment d'assaut, puis après capture, établira une position défensive pour tirer sur tous ceux qui voudraient contrattaquer ou pour les affronter en combat rapproché. Et si c'est un officier de l'US Air Force qui reçoit cet ordre, il négociera une location sur trois ans avec option d'achat.

(*) Auteur Paul Dickson, Éditions Pocket Books, ISBN 0-671-75022-4, voir la page 362.
Et voici maintenant un florilège des bonnes traductions que nous avons rencontrées. J'ai marqué celles que nous avons mentionnées lors de la réunion et j'en ai ajouté quelques autres qui auraient mérité d'être citées.
Pour commencer, nous allons prendre une mauvaise traduction. Je la tire du numéro 155 de Strategy & Tactics, de novembre 1992. L'article porte sur la révolte de 1948--1960 en Malaisie et évoque entre autres l'intervention du gouverneur Sir Gerald Templer dans un village favorable aux rebelles. Dans l'exposé qui suit, j'ai remplacé le malais (que je ne connais pas) par le français.
Templer : I trusted you and you let me down. You're a bunch of cowards. You're a lot of bastards.
L'interprête : Son Excellence dit que vos mères et vos pères n'étaient pas mariés au moment de votre naissance.
Templer : You may be bastards, but you'll find out I can be a bigger one!
L'interprête : Son Excellence admet, toutefois, que son père et sa mère n'étaient pas mariés non plus.
Ensuite, toujours un interprête, mais un bon interprête. En 1941--1942, lorsque Rommel était le commandant en chef des troupes de l'Axe en Afrique du Nord, il avait sous ses ordres des divisions italiennes, donc pour communiquer avec les généraux italiens, il avait recours à un interprête. David Irving raconte dans The Trail of the Fox (*) que cet interprête était un simple lieutenant, nommé Wilfried Armbruster. Et lorsque Rommel poussait une gueulante contre un général de division italien, Armbruster traduisait sur le même ton, c'est-à-dire en criant. Un lieutenant qui engueule un général ! Ceux qui ont fait leur service militaire apprécieront.
(*) Éditeur Macmillan Publishers Ltd, ISBN 0-333-40484-X, page 143.
(Évoqué en réunion) Un point auquel les créateurs de la gamme Pokémon font très attention, c'est la traduction des noms des différents Pokémon. Il faut que les petits francophones aient la même perception que les petits japonais lorsqu'ils rencontrent le nom d'un nouveau Pokémon.
(Évoqué en réunion) Dans la série Harry Potter, certains noms sont restés tels quels (Harry Potter, Voldemort, Dumbledore) tandis que d'autres ont été traduits (Snape -> Rogue, Neville Longbottom -> Neville Longdubat, Hogwarts -> Poudlard, etc). La traduction de Tom Marvolo Riddle a fait l'objet d'une attention particulière. En effet, ce nom est l'anagramme de I am Lord Voldemort. Donc, le traducteur français, par exemple, a traduit ce nom en « Tom Elvis Jedusor », qui est l'anagramme de Je suis Voldemort
(De mémoire) Dans Fondation Foudroyée, l'un des personnages évoque (en VO)
These are tales of Grand-Mother Spacewarp to frighten the children.
J'aime beaucoup la traduction en français :
Ce sont des contes de Mamie Supernova pour effrayer les enfants.
(Évoqué en réunion) Sébastien mentionne une série américaine qui se tient à New York. Dans cette série, le héros est l'ami d'un haïtien, qui parle donc français. Comme le héros est purement anglophone, il ne comprend pas ce que lui raconte son pote haïtien et inversement, le haïtien ne comprend pas ce que lui raconte le héros. Éh bien dans la version francophone, où par conséquent le héros parle en français, le haïtien est devenu jamaïcain, parle anglais et ne comprend pas le français.
(Évoqué en réunion) Parmi les livres d'Umberto Eco que j'ai lus (en français), il y a le Pendule de Foucault et un essai sur la traduction, Dire presque la même chose (*). Ce second livre évoque le premier, notamment la difficulté suivante. Même si certaines scènes cruciales se passent en France, la majeure partie du roman se passe en Italie avec des personnages italiens. Notamment une scène fait intervenir de nombreux Italiens, plus un Français, discutant en italien. En VO, les Italiens parlent un italien correct, sans faute de grammaire ou de syntaxe, tandis que le Français emploie une langue un peu heurtée et avec quelques constructions inhabituelles qui trahissent sa nationalité française pour le lecteur italien. Comment traduire cela lorsque tous les dialogues sont en français ? La bonne idée du traducteur a été de coller au personnage français un accent marseillais. De la sorte, les lecteurs français comprennent de façon implicite que ce personnage est bien français.
(*) Éditions Grasset, ISBN 978-2-246-65971-6, page 149.
(Évoqué en réunion) J'ai vu Les Trois Jours du Condor en version originale. Dans ce film, Robert Redford est un analyste de la CIA, un simple employé de bureau dont le rôle est de lire des documents qui n'ont rien de secret (la Pravda, par exemple, ou bien des romans) de faire des recoupements entre les informations lues et d'en extraire des éléments intéressants qui peuvent pointer vers des informations secrètes. Au début du film, Robert Redford quitte son bureau pour acheter son casse-croute. Lorsqu'il revient, il trouve tous ses collègues assassinés et il comprend qu'il est lui aussi sur la liste des personnes indésirables. Je ne vais pas vous détailler la suite, mais seulement vous décrire une scène particulière. À un moment du film, deux méchants sont en train de comploter dans la rue. C'est alors que j'ai remarqué que curieusement, les sous-titres venaient de changer de police de caractère. Et j'avais beaucoup plus de facilité pour suivre les dialogues. C'est seulement au bout de quelques secondes que j'ai compris ce qui se passait : les deux méchants comploteurs étant dans un lieu public, ils voulaient dissimuler leurs néfastes desseins aux passants qui pourraient entendre des bribes de la conversation. Pour cela, les deux individus se mettent à discuter en français et, pour que les spectateurs américains ne soient pas perdus, le réalisateur a fait ajouter des sous-titres en anglais.
(Pas évoqué dans cette réunion, mais dans une réunion précédente) Il est difficile de traduire convenablement un calembour. Alors que dire d'un traducteur qui remplace un jeu de mots dans la VO par trois jeux de mots dans la version française ? Je cite de mémoire Shining. L'extrait en question était à peu près :
Mr Ullman was always talking about suites. But Danny could not see any candies.
qui a été traduit en :
M. Ullman parlait continuellement de la crème, des huiles et du gratin. Cela étonnait Danny, car ils se trouvaient dans les appartements de luxe, pas dans les cuisines.
Et je vous renvoie à l'annexe de l'article de BooK et moi-même sur les goto pour savoir comment il faut traduire four-letter word.
Nous savons tous que Damian Conway est australien. Cela dit, lorsque je l'ai entendu parler lors des conférences YAPC::Europe, je ne l'ai jamais entendu dire G'day ni appeler quelqu'un mate. Tout au plus l'ai-je entendu dire no worries. Néanmoins, dans Perl Best Practices, il s'est permis de pondre cet extrait de code :
```
# Strewth, better find out where this bloke lives...
my $postcode
    = prompt 'Giz ya postcode, mate: ',
             -require=>{'Try again, cobber: ' => qr/\A $RE{zip}{Australia} \Z/xms};
```
Quand il a fallu traduire le livre en français, c'est Jérôme qui devait faire la traduction de ce chapitre et moi qui devais en effectuer la relecture. Je ne me souviens plus quelle a été la première traduction de Jérôme, mais je me souviens qu'elle ne me plaisait pas. Je lui ai envoyé un message pour lui signaler que l'exemple sentait très fortement l'australien (en-AU) et que la traduction ne me satisfaisait pas. Je lui ai expliqué aussi que je n'avais rien trouvé à lui proposer pour améliorer la traduction. Heureusement, Jérôme a eu plus d'inspiration que moi et voici ce qu'il a trouvé :
```
# Allei, fieu, je ferais mieux de trouver ou habite ce type...
my $code_postal
    = prompt 'Donne le voir, ton code postal : ',
             -require=>{'Essaie encore, hein  : ' => qr/\A $RE{zip}{Belgium} \Z/xms};
```
Et ce coup-là, j'étais impressionné par cette traduction en fr_BE ! Voir page 265 pour la VO et page 271 pour la VF.
Quelques années plus tôt, c'était la traduction de Programming Perl (version 3), par BooK, Kai et Gérald, avec moi comme correcteur. Dans le passage consacré aux IPC System V, il était question des objets qui n'étaient pas détruits et qui restaient à polluer la mémoire de votre système. Du coup, en VO :
Your sysadmin has to go on a search-and-destroy mission to hunt down these lost SysV IPC objects.
search-and-destroy ? suivi par mission ? Cela me fait penser à des Marines patrouillant dans les ruines de Hué ou à des GI dans la forêt tropicale. Du coup, j'ai suggéré au traducteur de ce chapitre d'utiliser l'expression « opération de ratissage » qui évoque des trouffions patrouillant dans le djebel. Voir page 434 dans la VO et page 405 dans la VF.
Et un dernier mot sur un sujet qu'en fait je ne connais pour ainsi dire pas, mais que je tiens à mentionner ici. Toutes les personnes avec qui j'ai discuté de Terry Pratchett et de la traduction en français de ses romans sont unanimes, c'est de la très bonne qualité. Mais moi, je préfère lire en VO le plus tôt possible, sans attendre la traduction. Hélas, le lendemain de la réunion nous avons appris qu'il n'y aura plus beaucoup de romans désormais.